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TUOL SLENG (S21)


J’ai beaucoup hésité à écrire cet article. Oui, j’écris pour la première fois en « JE » puisque j’ai fait la visite du S21 tout seul. En fait, il était même clair pour moi que je n’écrirai pas d’article sur ma visite du S21.


Pourquoi ? Tout d’abord parce que depuis le début de notre aventure, nous avons pris le parti de rédiger des articles centrés sur notre vécu, notre ressenti d’un lieu, d’un moment, d’une anecdote. Et ceci toujours sur le ton de l’humour parce que c’est ce qui nous caractérise et nous représente le mieux. On ne veut pas faire des cours d’histoire sur les lieux que nous visitons, ni être une espèce de guide touristique. On va peut-être vous décevoir mais les articles et le site internet sont principalement destinés à nous-même. On veut qu’il soit la mémoire, les souvenirs de notre aventure. Et dans 10 ans, en relisant les articles, on voudra se remémorer nos émotions, notre vécu des lieux, nos sensations du moment. On s’en fichera de l’historique des lieux ! Ça on pourra toujours et encore le lire dans les livres ou sur internet, idem pour les infos touristiques. 


La deuxième raison qui me poussait à ne pas écrire d’article sur le S21 est que la visite de ce lieu engendre des sentiments et émotions qui sont tout à fait personnel et varient d’une personne à l’autre. Ce vécu là je n’ai pas besoin de l’écrire pour m’en rappeler à jamais. Donc du moment où si vous voulez des infos sur le S21 vous les trouvez sur internet, que mon ressenti est tout sauf humoristique et que finalement ce que je retire de cette visite n’appartient qu’à moi, quelle est l’utilité d’écrire un article sur cette visite ? ça c’était ma réflexion avant et pendant la visite. Puis, à la fin de la visite, le guide vocal lance un appel : « Désormais, vous connaissez l’histoire de ce lieu, pour la mémoire des personnes qui y ont été torturées et exécutées,  pour ne pas oublier ce qui y s’est produit, parlez autour de vous du S21, parlez de ce que vous avez vu ». Apparemment, il m’a convaincu vu la rédaction de cet article !


Histoire


Nous sommes en avril 1975, les Khmers rouges viennent de prendre le pouvoir au Cambodge. Ils entrent dans Phnom Penh le 17 avril. 3 heures après, sous prétexte d’une attaque imminente des USA, la population est évacuée. Les citadins sont envoyés dans les campagnes. La ville est pratiquement vidée de ses 2 millions d’habitants. A la tête des Khmers rouges : Saloth Sar, mieux connu sous le nom de Pol Pot. Très rapidement, le pays est soumis à une dictature barbare. Sous le nom d’Angkar (l’organisation), les intellectuels, les citadins, les religieux, les étrangers et les membres de l’ancien régime sont les cibles principales. Dans la capitale, le lycée Tuol Sleng est réquisitionné par les Khmers rouges et transformé en prison.  


Voilà en quelques lignes la naissance du centre de détention S21.


La visite 


Tout d’abord quand on arrive à pied, on remarque la position centrale et tout à fait banale du lieu. Forcément, c’était un lycée ! Et ce qui frappe immédiatement, c’est que pratiquement tout a été laissé comme à l’époque. L’audio guide en français est de rigueur pour bien saisir tous les éléments du lieu. Il y a 32 « stop audio » (+ 10 approfondissements) qui expliquent les différents bâtiments, les photos, les histoires, les témoignages. Le guide audio est très bien fait. Les explications sont excellentes. Les témoignages poignants. Il faut entre deux et trois heures pour tout visiter. Il faut prévoir quelques pauses pour reprendre son souffle. 


C’est quoi le S21


Le S21 a été le principal lieu de détention et torture sous la dictature des Khmers Rouges. On compte plus de 300 centres de détentions sous le régime de Pol Pot. On estime que ce lieu a vu passer plus de 20'000 détenus et seulement 7 y ont survécu. On enfermait ici tout ceux qui étaient opposés au régime de près ou de loin. La paranoïa s’étant emparé très rapidement des dirigeants, c’est finalement un peu n’importe qui qui était arrêté pour être interrogé. Les interrogatoires se faisaient sous la torture. Une fois les aveux obtenus, les prisonniers étaient exécutés.


Les gardiens et tortionnaires étaient des jeunes entre 12 et 20 ans recrutés dans les campagnes. Ils étaient pour la plupart illettrés et avaient été endoctrinés par la propagande des Khmers Rouges. 


Beaucoup  d’enfants et des familles entières ont été torturées et exécutées au S21. Une des conviction du régime était que lorsque l’herbe était mauvaise, il fallait détruire également les racines. Ainsi, si un homme était convaincu de trahison, toute sa famille était exterminée. 


On y voit quoi ?


On y voit tout ! Des chambre de détention restées à l’identique. Des photos des cadavres retrouvés au moment de la libération de Phnom Penh par l’armée vietnamienne. Les photos des détenus, les photos des jeunes gardiens. Les outils de torture, les lieux de torture. Les tableaux du peintre Vann Nath* décrivant les scènes de mutilations. Les crânes et ossements des détenus morts ici.  Les photos des fosses communes où étaient exécutés les détenus à partir du moment où il n’y avait plus de place pour enterrer les cadavres au S21. Ces lieux sont aujourd’hui communément appelés « killing fields ». Le plus connu se trouve à 10 km du centre de Phnom Penh et peut être visité. 


*Vann Nath est un des 7 rescapés du S21. Pour devoir de mémoire, il a décidé de décrire en peinture les scènes auxquelles il a assisté ou que ses compagnons de cellule lui ont raconté.


Quelques chiffre


Le S21 ne représente qu’une partie infime du génocide cambodgien. L’horreur qui est décrite dans ce lieux doit être imaginée à une échelle nationale pendant presque 4 ans. Partout dans le pays, les gens étaient arrêtées, torturées puis exécutées si on les soupçonnaient d’être opposées au régime. Les raisons qui pouvaient rendre quelqu’un suspicieux étaient innombrables, futiles, voir ridicules. Le simple fait de porter des lunettes vous rendait suspect parce que c’était considéré comme un signe d’intellectualité. Si vous saviez lire, vous étiez mal barré. Si vous maîtrisiez une langue étrangère, vous étiez déjà mort. La peine de mort pouvait être décrétée pour un excès de colère ou pour un fou rire en public. Cette folie a conduit à des chiffres effrayants :


- 1,7 millions de morts, soit 20% de la population cambodgienne

- une extermination quasi-totale des nonnes et moines


Ceci en moins de 4 ans ! 


On considère aujourd’hui que pratiquement tout cambodgien a perdu un proche ayant été victime des Khmers Rouges entre 1975 et 1979. Les moines sont jeunes au Cambodge. 


On ne sort pas indemne de la visite du S21 et quand dans la rue vous croisez quelqu’un de 60 ans vous avez envie de le serrer dans vos bras.


Je n’ai pas de conclusion, je vais juste terminer sur une info : Pol Pot a été renversé par le Vietnam en 1979 et s’est réfugié en Thaïlande. Il a été considéré par les gouvernements occidentaux comme le président légitime du Cambodge jusqu’en 1991...




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